2e partie de l'article.
Voir : la 1ère partie - la 3e partie
Comme n’importe quelle autre dépendance, avec ou sans produit, l’addiction au porno et/ou à la masturbation est une pathologie chronique de type neurobiologique. À ce titre, elle est encore en partie inexpliquée, même si les progrès des neurosciences et les efforts de vulgarisation rendent la compréhension du cerveau beaucoup plus accessible aujourd’hui.
Le processus de l’addiction implique plusieurs circuits neuronaux dont le fonctionnement est imbriqué (récompense, motivation, mémoire, contrôle…). Précisons qu’un circuit neuronal est un réseau de connexion reliant plusieurs zones du cerveau pour permettre à celui-ci de jouer son rôle : faire marcher l’organisme et lui permettre de s’adapter.
Un emballement du circuit de la récompense
Pour faire simple, on peut présenter l’addiction comme un dérèglement du circuit de la récompense. Ce système du cerveau, présent aussi chez certains mammifères, repose sur trois régions principales : l’aire tegmentale ventrale, le noyau accumbens et le cortex préfrontal. Il a une mission capitale : favoriser tous les comportements indispensables à la survie de l’espèce, comme boire, manger, s’adapter à l’environnement, développer des relations interpersonnelles. La reproduction et le plaisir sexuel font bien évidemment partie de ces activités vitales puisqu’elles sont directement associées à la survie de l’espèce. À chaque fois qu’un de ces comportements est réalisé, le circuit de la récompense libère un neurotransmetteur, la dopamine, qui génère du plaisir (la récompense) et signale au cerveau le caractère bénéfique de l’action engagée. Ce signal positif est mémorisé. Par la suite, le cerveau peut faire appel au souvenir agréable pour déclencher automatiquement le comportement utile qui lui est associé.
Dans l’addiction au porno ou à la masturbation, les activités compulsives qui ont été ancrées progressivement déclenchent une libération de dopamine plus importante et plus rapide que n’importe quelle récompense naturelle. Y compris une relation sexuelle avec un partenaire en chair et en os.
Le cerveau s’adapte durablement à cette situation en modifiant les circuits neuronaux du système de la récompense : les neurones multiplient leur terminaisons et les synapses (les aires de jonction entre les neurones) augmentent leur excitabilité.
Étudions à présent de plus près un mécanisme neuronal clé impliqué dans l’addiction.
Le renforcement de la motivation
Le premier mécanisme – et le plus déterminant - déréglé par l’addiction est l’augmentation de la motivation à consommer.
Le cerveau a identifié le comportement compulsif (porno, masturbation) comme source d’un plus grand plaisir qu’une action ordinaire. Il lui attribue donc une plus grande valeur, si bien que la motivation pour ce comportement se renforce. En raison de cette mémoire pathologique (car impossible à oublier), la simple anticipation mentale de l’expérience vécue suffit à exciter le circuit neuronal et susciter une envie irrépressible : de la dopamine en grande quantité est libérée avant même la réalisation du comportement. La répétition de ce processus va provoquer ce qu’on appelle l’effet renforçant. En d’autres termes, le cercle vicieux…
En raison de la plasticité du cerveau – c’est-à-dire sa capacité à s’adapter sur le plan neuronal aux stimuli pour maintenir son équilibre interne – les circuits vont réclamer une dose toujours plus importante pour obtenir le même effet. Il s’agit là d’un autre phénomène qui ancre l’addiction : l’accoutumance, appelée aussi tolérance. Schématiquement, le cerveau se met en mode « protection » pour pouvoir continuer à fonctionner normalement en dépit des stimulations dont il fait l’objet. En d’autres termes, il se désensibilise. Il a intégré le comportement addictif, bien que problématique, comme un élément indispensable à son bon fonctionnement.
Cette accoutumance est un véritable piège pour l’addict, puisqu’elle l’incite à vouloir toujours plus de sensations… Ce phénomène explique pourquoi, par exemple, la quête d’images de l’addict au porno est sans fin : toujours plus de nouveauté, de variété, voire de violence ou de transgression.
RESET ?
La réversibilité des modifications des circuits neurobiologiques abîmés par l’addiction est encore mal connue. Plus la durée et la fréquence des comportements sont élevées, plus les perturbations neuronales sont sévères et durables.
Le sevrage peut donc être long, douloureux et il n’est pas toujours bien accepté dans la mesure où les efforts d’abstinence sont paradoxalement récompensés par des émotions désagréables. Le simple retour à une rechute occasionnelle peut réactiver les perturbations des circuits neuronaux et donner – à tort - le sentiment à la personne addicte que sa mobilisation a été inutile.
Voir : la 1ère partie - la 3e partie
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